Histoire : en 2015, il y aura bientôt 200 ans, la bataille de Waterloo vit la défaite des troupes napoléoniennes.
« Soudain, joyeux, il dit: Grouchy ! - C'était Blücher !
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme ».
Mais l’Histoire rebondit et nous nous devons de vous relater la suite, cette lamentable histoire franco-belge à propos de pièces de 2 euros que les Belges voulaient frapper – en 2015 - en l’honneur de la bataille de Waterloo. Mais cette tentative belge s’est heurtée à la susceptibilité outragée des pouvoirs publics français et a vu la France gagner « la revanche » de Waterloo*. On ne rigole pas avec ça !
À l’occasion donc de cette histoire, qui a coûté quand même à la Belgique la bagatelle d’un million et demi d’euros : avec Blücher, c’est plus cher …), pourquoi ne pas se remettre en mémoire – « ça nous fera rire un peu » - le fameux poème de Victor Hugo ?
Bagnolet en Vert, ne reculant décidément devant aucun sacrifice, le publie :
« Waterloo ! Waterloo ! morne plaine !
Comme une onde qui bout dans une urne trop pleine,
Dans ton cirque de bois, de coteaux, de vallons,
La pâle mort mêlait les sombres bataillons.
D'un côté c'est l'Europe, et de l'autre la France !
Choc sanglant ! des héros Dieu trompait l'espérance
Tu désertais, victoire, et le sort était las.
O, Waterloo ! je pleure, et je m'arrête, hélas !
Car ces derniers soldats de la dernière guerre
Furent grands; ils avaient vaincu toute la terre.
Chassés vingt rois, passé les Alpes et le Rhin,
Et leur âme chantait dans les clairons d'airain !
Le soir tombait; la lutte était ardente et noire.
Il avait l'offensive et presque la victoire;
Il tenait Wellington acculé sur un bois.
Sa lunette à la main, il observait parfois
Le centre du combat, point obscur où tressaille
La mêlée, effroyable et vivante broussaille,
Et parfois l'horizon, sombre comme la mer.
Soudain, joyeux, il dit: Grouchy ! - C'était Blücher !
L'espoir changea de camp, le combat changea d'âme.
La mêlée en hurlant grandit comme une flamme.
La batterie anglaise écrasa nos carrés.
La plaine où frissonnaient les drapeaux déchirés,
Ne fut plus, dans les cris des mourants qu'on égorge,
Q'un gouffre flamboyant rouge comme une forge;
Gouffre où les régiments, comme des pans de murs,
Tombaient, ou se couchaient comme des épis mûrs,
Les hauts tambours-majors aux panaches énormes,
Où l'on entrevoyait des blessures difformes!
Carnage affreux ! moment fatal ! L'homme inquiet
Sentit que la bataille entre ses mains pliait.
Derrière un mamelon, la garde était massée,
La garde, espoir suprême et suprême pensée !
-Allons, faites donner la garde, cria-t-il ! -
Et lanciers, grenadiers aux guêtres de coutil,
Dragons que Rome eût pris pour des légionnaires,
Cuirassiers, canonniers qui traînaient des tonnerres,
Portant le noir colback ou le casque poli,
Tous, ceux de Friedland et ceux de Rivoli,
Comprenant qu'ils allaient mourir dans cette fête,
Saluèrent leur Dieu debout dans la tempête,
Leur bouche, d'un seul cri, dit : « Vive l'Empereur ! »
Puis, à pas lents, musique en tête, sans fureur,
Tranquille, souriant à la mitraille anglaise,
La garde impériale entra dans la fournaise.
Hélas ! Napoléon, sur sa garde penchée,
Regardait et, sitôt qu'ils avaient débouché
Sous les sombres canons crachant des jets de soufre,
Voyait, l'un après l'autre, dans cet horrible gouffre,
Fondre ces régiments de granit et d'acier,
Comme fond une cire au souffle d'un brasier.
Ils allaient, l'arme au bras, fronts hauts, graves, stoïques
Pas un ne recula. Dormez, morts héroïques !
Le reste de l'armée hésitait sur leurs corps
Et regardait mourir la garde. - C'est alors
Qu'élevant tout à coup sa voix désespérée,
La Déroute géante à la face effarée,
Qui, pâle, épouvantant les plus fiers bataillons,
Changeant subitement les drapeaux en haillons,
A de certains moments, spectre fait de fumées,
Se lève grandissant au milieu des armées,
La Déroute apparut au soldat qui s'émeut,
Et, se tordant les bras, cria : Sauve qui peut!
Sauve qui peut ! affront ! horreur ! toutes les bouches
Criaient à travers champs, fous, éperdus, farouches,
Comme si quelque souffle avait passé sur eux,
Parmi les lourds caissons et les fourgons poudreux,
Roulant dans les fossés, se cachant dans les seigles,
Jetant shakos, manteaux, fusils, jetant les aigles,
Sous les sabres prussiens, ces vétérans, ô deuil!
Tremblaient, hurlaient, pleuraient, couraient. - En un clin d'œil
Comme s'envole au vent une paille enflammée,
S'évanouit ce bruit qui fut la grande armée,
Et cette plaine, hélas! où l'on rêve aujourd'hui,
Vit fuir ceux devant qui l'univers avait fui!
Quarante ans sont passés, et ce coin de la terre,
Waterloo, ce plateau funèbre et solitaire,
Ce champ sinistre où Dieu mêla tant de néants,
Tremble encor d'avoir vu la fuite des géants!
Napoléon les vit s'écouler comme un fleuve ;
Hommes, chevaux, tambours, drapeaux; - et dans l'épreuve
Sentant confusément revenir son remords,
Levant les mains au ciel, il dit : - Mes soldats mort,
Moi vaincu! mon empire est brisé comme verre.
Est-ce le châtiment cette fois, Dieu sévère ?
Alors parmi les cris, les rumeurs, le canon,
Il entendit la voix qui lui répondait : non!
Victor HUGO (1802-1885 Châtiments) »
Pierre Mathon
*
La Belgique envisageant de mettre en circulation une pièce commémorant le bicentenaire de la bataille de Waterloo, la France s'y est opposée, estimant que ce rappel de la défaite napoléonienne pourrait « créer des tensions en Europe ». (Pas moins ! Ndlr)
Visiblement, la célèbre bataille du 18 juin 1815, perdue par l'empereur Napoléon Bonaparte n'est toujours pas digérée en France. En effet, le ministère belge des finances a révélé ce jeudi 12 mars que notre pays s'est opposé à la mise en circulation d'une pièce de 2 euros, frappée à destination des collectionneurs à l'occasion du bicentenaire de l'événement qui enverra Napoléon mourir à Saint-Hélène. En cause, la crainte de « tensions inutiles en Europe ». Et ce n'est pas une blague belge...
Les autorités françaises (qui n’ont visiblement que ça à faire Ndlr) ont estimé dans un courrier que ce projet (était) susceptible (c’est le mot ! Ndlr) d'engendrer une réaction défavorable en France (...) La bataille de Waterloo est un événement dont la résonance particulière dans la conscience collective va au-delà de la simple évocation d'un conflit militaire. La circulation de pièces courantes portant une symbolique négative pour une fraction de la population européenne nous paraît préjudiciable, dans un contexte où les gouvernements de la zone euro s'efforcent de renforcer l'unité et la coopération autour de la monnaie unique.
Victoire française à Waterloo !
Finalement, la Belgique a baissé les bras et ne diffusera pas cette monnaie, même si 180 000 pièces ont déjà été frappées par la Monnaie royale de Belgique. Si l'affaire avait été portée au vote des ministres européens des finances, notre pays disposant d'une majorité, le Plat Pays aurait certainement été désavoué. Néanmoins, l'État voisin perd 1,5 million d'euros dans cette petite histoire belge qui a rencontré la grande Histoire de France, à son corps défendant !
D’après © Le Télégramme - Plus d’information sur http://www.letelegramme.fr/monde/waterloo-morne-piece-pour-la-france-13-03-2015-10556858.php