Le constat est ici chirurgical. Mais il y manque une ligne de diagnostic. Amiens-nord, plus encore Fafet-Brosollette, c'est la préfiguration de ce que serait la France à l'état de la Grèce. Le
retour aux luttes de territoire, la complication d'un désordre social, comme il y a des complications médicales.
A toute chose malheur est bon puisqu'enfin on parle. Y compris la Police parle. Ce qui me gène, c'est que tout le monde fait semblant de découvrir.
Qui n' a pas vécu à Amiens-nord ne peut pas comprendre. Je me souviens, pour avoir passé toute mon enfance dans ce quartier d'Amiens, au Pigeonnier (rues Couperin et Watteau) qu'il y a toujours eu une terreur latente. On pouvait dans les années 70 flâner dans le quartier à vélo, mais je me souviens qu'on n'était pas tranquille, combien de nous autres, pauvres fils de pauvres, se sont fait voler leur mobylette, leur vélo, molester, casser la gueule pour rien... par qui ? D'autres fils de pauvres, venus d'Algérie entre 63 et 73 pour travailler. -Je tiens à préciser que je ne suis pas devenu lepéniste pour autant, même après m'être fait insulter longtemps de "sale Français" alors que je n'ai jamais insulté un petit camarade par exemple, surtout sur son origine-. Ici, me revient en mémoire le mot de l'un de mes copains, Abderazak, dont les parents étaient arrivés en France juste quelques années auparavant. Il me disait -"tu sais, toi t'es sympa, mais mes parents, ils m'ont dit que nous, on est là pour niquer les Français". Terrible avenir qu'ils préparaient à leurs enfants en leur inculquant les mauvaises bases d'une perception hostile de leur société environnante ! On y est.
Les lecteurs issus de cette immigration, très pauvre et très marquée par les horreurs de la guerre d'Algérie, comprendront ce que je veux dire. Les autres jeteront un voile pudique devant leurs yeux, et se pareront de leur angélisme anti-raciste, complètement à côté de la plaque. (comme si le racisme était le sujet)
A cette époque, tous nos pères travaillaient à l'usine, et ça faisait là une sacrée différence avec la situation actuelle, trente ans après. Quand ils nous appelaient à la fenêtre, ça ne mouffetait pas. Une génération de chômage après, dans des conditions de logement concentrationnaires, Le modèle a quels repères, et les pères quelle autorité ? C'est ce que le Parti Communiste, longtemps au pouvoir à Amiens, n'a pas su voir lorsqu'il a imaginé en 1955, avec des architectes qui devraient être pendus, des barres d'immeubles dont la structure même est apocalyptique (on entendait le voisin faire pipi ou se faire cuire son steack). On ne réunit pas sans conséquences 25 000 habitants sur quelques hectares surtout lorsque les maladies professionnelles y côtoient un jour les maladies du chômeur de très longue durée, les maladies tout court.
Déjà il y a trente ans (j'ai 43 ans) le bon candidat dit "de Gauche" avait déserté ce quartier...
Il ne fallait pas être un grand urbaniste éclairé pour imaginer que l'être humain n'est pas fait pour vivre dans le désœuvrement, au beau milieu d'un jungle reconstituée où les enjeux de domination sur l'autre prennent des formes plus ou moins exacerbées de violence morale, symbolique, et physique. Et que dire du bruit... On n'est pas à Gaza, où les drones vrombissent en permanence, mais le sentiment doit en être proche, car à Fafet ce sont des hélicoptères. Je le sais ma mère y habite encore et j'y retourne quelquefois. On y entend même un muezzin au coucher du soleil. C'est beau le chant, mais là, ça déroge légèrement au principe de stricte neutralité de l'espace public. La République à Amiens est reléguée au rang des antiquités.
D'ailleurs, elle a déjà failli, et dans les grandes largeurs : école, emploi, logement. Quant à la présomption d'innocence, elle n'a plus cours là-bas.
Il est donc remarquable que dans ces points noirs sociaux de France, les "jeunes" de ces quartiers hyper-défavorisés (au sens culturel du terme) s'en prennent à leur environnement propre, et non pas celui du bon bourgeois. Cela résonne comme une velléité de suicide.
A toute chose malheur est bon puisqu'enfin on parle. Y compris la Police parle. Ce qui me gène, c'est que tout le monde fait semblant de découvrir.
Qui n' a pas vécu à Amiens-nord ne peut pas comprendre. Je me souviens, pour avoir passé toute mon enfance dans ce quartier d'Amiens, au Pigeonnier (rues Couperin et Watteau) qu'il y a toujours eu une terreur latente. On pouvait dans les années 70 flâner dans le quartier à vélo, mais je me souviens qu'on n'était pas tranquille, combien de nous autres, pauvres fils de pauvres, se sont fait voler leur mobylette, leur vélo, molester, casser la gueule pour rien... par qui ? D'autres fils de pauvres, venus d'Algérie entre 63 et 73 pour travailler. -Je tiens à préciser que je ne suis pas devenu lepéniste pour autant, même après m'être fait insulter longtemps de "sale Français" alors que je n'ai jamais insulté un petit camarade par exemple, surtout sur son origine-. Ici, me revient en mémoire le mot de l'un de mes copains, Abderazak, dont les parents étaient arrivés en France juste quelques années auparavant. Il me disait -"tu sais, toi t'es sympa, mais mes parents, ils m'ont dit que nous, on est là pour niquer les Français". Terrible avenir qu'ils préparaient à leurs enfants en leur inculquant les mauvaises bases d'une perception hostile de leur société environnante ! On y est.
Les lecteurs issus de cette immigration, très pauvre et très marquée par les horreurs de la guerre d'Algérie, comprendront ce que je veux dire. Les autres jeteront un voile pudique devant leurs yeux, et se pareront de leur angélisme anti-raciste, complètement à côté de la plaque. (comme si le racisme était le sujet)
A cette époque, tous nos pères travaillaient à l'usine, et ça faisait là une sacrée différence avec la situation actuelle, trente ans après. Quand ils nous appelaient à la fenêtre, ça ne mouffetait pas. Une génération de chômage après, dans des conditions de logement concentrationnaires, Le modèle a quels repères, et les pères quelle autorité ? C'est ce que le Parti Communiste, longtemps au pouvoir à Amiens, n'a pas su voir lorsqu'il a imaginé en 1955, avec des architectes qui devraient être pendus, des barres d'immeubles dont la structure même est apocalyptique (on entendait le voisin faire pipi ou se faire cuire son steack). On ne réunit pas sans conséquences 25 000 habitants sur quelques hectares surtout lorsque les maladies professionnelles y côtoient un jour les maladies du chômeur de très longue durée, les maladies tout court.
Déjà il y a trente ans (j'ai 43 ans) le bon candidat dit "de Gauche" avait déserté ce quartier...
Il ne fallait pas être un grand urbaniste éclairé pour imaginer que l'être humain n'est pas fait pour vivre dans le désœuvrement, au beau milieu d'un jungle reconstituée où les enjeux de domination sur l'autre prennent des formes plus ou moins exacerbées de violence morale, symbolique, et physique. Et que dire du bruit... On n'est pas à Gaza, où les drones vrombissent en permanence, mais le sentiment doit en être proche, car à Fafet ce sont des hélicoptères. Je le sais ma mère y habite encore et j'y retourne quelquefois. On y entend même un muezzin au coucher du soleil. C'est beau le chant, mais là, ça déroge légèrement au principe de stricte neutralité de l'espace public. La République à Amiens est reléguée au rang des antiquités.
D'ailleurs, elle a déjà failli, et dans les grandes largeurs : école, emploi, logement. Quant à la présomption d'innocence, elle n'a plus cours là-bas.
Il est donc remarquable que dans ces points noirs sociaux de France, les "jeunes" de ces quartiers hyper-défavorisés (au sens culturel du terme) s'en prennent à leur environnement propre, et non pas celui du bon bourgeois. Cela résonne comme une velléité de suicide.