Crise de la viande de cheval : retrouver quelle confiance ?
L’affaire de la « viande de cheval » adresse une nouvelle fois la question de la confiance des consommateurs dans la qualité des produits alimentaires vendus dans les linéaires. Nous avons l’impression de revivre le remake d’un film déjà joué lors des grandes crises des années 1990-2000.
Est-ce vraiment la même histoire ? Parle-t-on ici d’une confiance fondée sur les mêmes attentes ?
Cette crise met en évidence la possibilité de fraudes dans la composition des produits. Elle met en lumière l’existence de marchés complexes des matières premières mobilisant de nombreux intermédiaires. Mais jusque-là rien de nouveau. Les fraudes ont été depuis des décennies des préoccupations permanentes des autorités face à la malhonnêteté de certains opérateurs. En France, les services de la répression des fraudes peuvent témoigner de la très grande diversité de situations rencontrées, depuis leur création en 1905.
Quant au négoce des produits agricoles celui-ci s’est certes amplifié depuis la miseen place du marché commun puis de l’OMC, mais il s’inscrit dans la continuité des pratiques établies depuis des décennies.
Donc pourquoi tant d’émois dans les chaumières ! En quoi la confiance a-t-elle été altérée et comment la reconquérir ?
Il n’y a pas de problème sanitaire et pourtant tout s’emballe. Les consommateurs et les médias sont ils vraiment si irrationnels ?
En fait, cette affaire rappelle à tous une dure réalité : La confiance du consommateur est un sentiment fragile. Elle est conditionnée par le respect du contrat passé entre le fabricant et le consommateur lors de l’achat du produit à son juste prix.
Les termes de ce contrat évoluent. Ils intègrent bien plus que l’offre de valeur commerciale affichée sur les produits.
De façon schématique on peut considérer que lors de l’achat d’un produit alimentaire, chaque consommateur investi dans un capital de valeurs constitué de quatre composantes :
1. La composante qualitative : « je dois retrouver dans le produit la qualité que je suis en droit d’attendre (saveur, aspect, texture…) et les conditions d’emploi conformes au prix que je suis prêt à y mettre » ;
2. La composante sanitaire : « le produit doit être sûr et donc je ne veux pas prendre de risque à le consommer » ;
3. La composante nutritionnelle – santé positive : « le produit contribue à me maintenir en bonne santé » ;
4. La composante sociologique (éthique, conviction culturelle et religieuses, développement durable) : « ce produit me rappelle mon enfance », « le produit ne doit pas contenir cet ingrédient en raison de mes convictions », « le produit doit être fabriqué dans des conditions respectueuses de l’environnement », « la viande doit provenir d’un élevage respectant le bien-être des animaux », « le produit doit être issu d’une filière du commerce équitable », « le produit contient des ingrédients dont je connais l’origine »…
D’un produit à l’autre comme d’un consommateur à l’autre, la définition et le poids relatif des ces composantes peuvent être variables. Dans notre histoire agroalimentaire récente les dispositions ont été prises par les opérateurs et par les pouvoirs publics pour renforcer la garantie associée à la plupart d’entre-elles. La politique des labels d’appellation d’origine par exemple répondait à une attente liée à la première. Les politiques sanitaires comme l’évolution des exigences de maîtrise des risques ont permis de renforcer la valeur sanitaire des produits les plus sensibles. Les règles concernant la justification des allégations nutritionnelles comme des indications de compositions ont permis là aussi de réguler les conditions d’affichage. Les attentes d’ordre religieux, éthique ou faisant référence au développement durable, complexifient les enjeux en raison de leur diversité.
Face à la complexité croissante des garanties exigées par le consommateur, la confiance ne peut être retrouvée, que si simultanément
- il est tenu compte, par les producteurs et les distributeurs de l’ensemble des attentes qui motivent l’achat ;
- il est mis en place des dispositifs d’informations lisibles, intelligibles et accessibles pour chacune d’elles ;
- des systèmes de contrôle et de gestion de l’information relatifs à l’ensemble de ces attentes sont mis en œuvre. Ces dispositifs doivent être suffisamment efficaces pour garantir la validité des informations le long de la chaîne de production-transformation-distribution et permettre une traçabilité complète et disponible pour le consommateur.
Aujourd’hui la traçabilité existe. D’un steak haché vendu sous le label viande bovine française (VBF), il est possible de remonter jusqu’à l’animal et à la ferme d’origine. Cette traçabilité est-elle en mesure d’intégrer l’ensemble des composantes de valeur achetées par les consommateurs ? Quelles informations doivent être mises à leur disposition ? A quel prix ? Ce sont les questions auxquelles devront répondre les professionnels.
Le consommateur veut savoir et veut comprendre. Cette attente légitime doit être une source d’opportunité pour réaffirmer la valeur des produits mis sur le marché par les producteurs et transformateurs français.
Laurent Rosso, Directeur d’AgroParisTech-Engref
Auteur : Agroalimentaire et risques sanitaires – retour sur un demi-siècle de défis et de progrès, 2013 Ed. L’Harmattan
L’affaire de la « viande de cheval » adresse une nouvelle fois la question de la confiance des consommateurs dans la qualité des produits alimentaires vendus dans les linéaires. Nous avons l’impression de revivre le remake d’un film déjà joué lors des grandes crises des années 1990-2000.
Est-ce vraiment la même histoire ? Parle-t-on ici d’une confiance fondée sur les mêmes attentes ?
Cette crise met en évidence la possibilité de fraudes dans la composition des produits. Elle met en lumière l’existence de marchés complexes des matières premières mobilisant de nombreux intermédiaires. Mais jusque-là rien de nouveau. Les fraudes ont été depuis des décennies des préoccupations permanentes des autorités face à la malhonnêteté de certains opérateurs. En France, les services de la répression des fraudes peuvent témoigner de la très grande diversité de situations rencontrées, depuis leur création en 1905.
Quant au négoce des produits agricoles celui-ci s’est certes amplifié depuis la miseen place du marché commun puis de l’OMC, mais il s’inscrit dans la continuité des pratiques établies depuis des décennies.
Donc pourquoi tant d’émois dans les chaumières ! En quoi la confiance a-t-elle été altérée et comment la reconquérir ?
Il n’y a pas de problème sanitaire et pourtant tout s’emballe. Les consommateurs et les médias sont ils vraiment si irrationnels ?
En fait, cette affaire rappelle à tous une dure réalité : La confiance du consommateur est un sentiment fragile. Elle est conditionnée par le respect du contrat passé entre le fabricant et le consommateur lors de l’achat du produit à son juste prix.
Les termes de ce contrat évoluent. Ils intègrent bien plus que l’offre de valeur commerciale affichée sur les produits.
De façon schématique on peut considérer que lors de l’achat d’un produit alimentaire, chaque consommateur investi dans un capital de valeurs constitué de quatre composantes :
1. La composante qualitative : « je dois retrouver dans le produit la qualité que je suis en droit d’attendre (saveur, aspect, texture…) et les conditions d’emploi conformes au prix que je suis prêt à y mettre » ;
2. La composante sanitaire : « le produit doit être sûr et donc je ne veux pas prendre de risque à le consommer » ;
3. La composante nutritionnelle – santé positive : « le produit contribue à me maintenir en bonne santé » ;
4. La composante sociologique (éthique, conviction culturelle et religieuses, développement durable) : « ce produit me rappelle mon enfance », « le produit ne doit pas contenir cet ingrédient en raison de mes convictions », « le produit doit être fabriqué dans des conditions respectueuses de l’environnement », « la viande doit provenir d’un élevage respectant le bien-être des animaux », « le produit doit être issu d’une filière du commerce équitable », « le produit contient des ingrédients dont je connais l’origine »…
D’un produit à l’autre comme d’un consommateur à l’autre, la définition et le poids relatif des ces composantes peuvent être variables. Dans notre histoire agroalimentaire récente les dispositions ont été prises par les opérateurs et par les pouvoirs publics pour renforcer la garantie associée à la plupart d’entre-elles. La politique des labels d’appellation d’origine par exemple répondait à une attente liée à la première. Les politiques sanitaires comme l’évolution des exigences de maîtrise des risques ont permis de renforcer la valeur sanitaire des produits les plus sensibles. Les règles concernant la justification des allégations nutritionnelles comme des indications de compositions ont permis là aussi de réguler les conditions d’affichage. Les attentes d’ordre religieux, éthique ou faisant référence au développement durable, complexifient les enjeux en raison de leur diversité.
Face à la complexité croissante des garanties exigées par le consommateur, la confiance ne peut être retrouvée, que si simultanément
- il est tenu compte, par les producteurs et les distributeurs de l’ensemble des attentes qui motivent l’achat ;
- il est mis en place des dispositifs d’informations lisibles, intelligibles et accessibles pour chacune d’elles ;
- des systèmes de contrôle et de gestion de l’information relatifs à l’ensemble de ces attentes sont mis en œuvre. Ces dispositifs doivent être suffisamment efficaces pour garantir la validité des informations le long de la chaîne de production-transformation-distribution et permettre une traçabilité complète et disponible pour le consommateur.
Aujourd’hui la traçabilité existe. D’un steak haché vendu sous le label viande bovine française (VBF), il est possible de remonter jusqu’à l’animal et à la ferme d’origine. Cette traçabilité est-elle en mesure d’intégrer l’ensemble des composantes de valeur achetées par les consommateurs ? Quelles informations doivent être mises à leur disposition ? A quel prix ? Ce sont les questions auxquelles devront répondre les professionnels.
Le consommateur veut savoir et veut comprendre. Cette attente légitime doit être une source d’opportunité pour réaffirmer la valeur des produits mis sur le marché par les producteurs et transformateurs français.
Laurent Rosso, Directeur d’AgroParisTech-Engref
Auteur : Agroalimentaire et risques sanitaires – retour sur un demi-siècle de défis et de progrès, 2013 Ed. L’Harmattan